ABORDER L’APPRENTISSAGE DE LA LECTURE AU CP EN TOUTE SÉRÉNITÉ

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Enseigner la lecture au CP, quel défi !

La responsabilité est grande, c’est vrai, à tel point que certains enseignants hésitent beaucoup à franchir le pas. Vous êtes dans ce cas ? L’article qui suit pourrait vous détendre.

Si vous avez cliqué sur cette page, c’est que l’idée d’enseigner la lecture vous tente. Ou peut-être vous retrouvez-vous nommé par défaut dans un CP. Pas de panique ! Avant de vous perdre dans la multitude des méthodes proposées, lisez d’abord ceci. Vous ferez votre choix après.

j’ai tiré quelques enseignements importants de 5 ans de pratique au CP. Je souhaite les partager et vous livre maintenant les 7 clés qui devraient vous aider à vous lancer dans la merveilleuse aventure de l’apprentissage de la lecture.

1.   Ce n’est pas l’enseignant qui apprend à lire

Combien de fois ai-je entendu des collègues déclarer : « J’apprends à lire à mes élèves avec la méthode Machin-Truc », ou encore : « Le petit Chose, je n’ai pas réussi à lui apprendre à lire. » Là, on mélange les rôles. C’est l’enfant qui apprend, pas l’enseignant !

Le professeur se charge de fournir les outils ainsi que le mode d’emploi. Ensuite il veille à être un bon entraîneur pour ses apprentis lecteurs. Mais au bout du compte, c’est l’élève qui va construire son apprentissage, pas à pas, à son propre rythme. Comprendre ça nous amène à plus d’humilité devant les élèves les plus brillants, mais nous dégage aussi d’une responsabilité trop lourde quand l’élève a du mal à entrer dans la lecture. Si l’enseignant apporte les outils, il n’a pas toutes les clés du fonctionnement de l’enfant, des aspects de sa vie qui peuvent l’empêcher d’apprendre et qui bien souvent trouvent leur origine en dehors de l’école.

Mais revenons à la question du rythme.

2   Les élèves n’avancent pas tous à la même vitesse

crowd-1699137_1920Ils ne sont pas des robots préprogrammés pour faire tous la même chose au même moment. C’est particulièrement vrai au CP, et plus encore en ce qui concerne l’apprentissage de la lecture. Certains démarrent l’année en sachant déjà lire, d’autres commencent à être à l’aise à Noël. Mais pour la majorité, il faudra s’armer de patience.

On remarque souvent l’émergence d’un moment clé qui en l’espace de quelques jours, va transformer l’apprenant balbutiant en véritable lecteur. C’est ce que j’appelais le déclic. Chez les plus fragiles, il peut n’avoir lieu qu’en avril. C’est tard bien sûr, et ça laisse du temps à l’enseignant pour de grandes sueurs froides. Mais l’extraordinaire est qu’une fois le déclic survenu, les progrès de l’élève sont fulgurants. Ça laisse supposer que durant les mois d’immobilité apparente, l’enfant a engrangé des connaissances que, certainement, il ne savait pas encore organiser. Une conclusion s’impose alors :

3   Faire confiance aux capacités de l’élève

S‘alarmer trop vite est une erreur fréquente quand on débute au CP.

Les deux premières années, je m’affolais dès qu’un élève restait sur le tarmac tandis que les autres amorçaient leur décollage. Résultat : grand branle bas de combat, entretien avec les parents, manifestation intempestive de mes inquiétudes, avec évocation de difficultés d’apprentissage, le tout dans un grand souci de transparence et d’honnêteté.

Qu’est-ce que j’en récoltais ? Beaucoup d’angoisse pour tout le monde : pour les parents et surtout l’enfant qui dès lors ne pouvait plus apprendre dans la sérénité. Pourtant, cet élève-là finissait par entrer dans la lecture comme les autres. À ceci près que le stress avait pesé sur ses épaules toute l’année, et que ses parents gardaient un fond d’aigreur pour avoir été inquiétés un peu trop tôt.

Attention, je n’incite pas les enseignants à laisser voguer les barques sans souci de celles qui pourraient dériver. Je dis juste que ces erreurs (appelons un chat un chat) m’ont appris à canaliser mes angoisses. Elles m’ont enseigné à être plus attentive aux signes durables laissant présager de réelles difficultés. J’en parlais alors aux parents avec beaucoup de précaution, en les invitant dans un premier temps à une vigilance commune. Au besoin, on se revoyait et on cherchait calmement comment aider l’enfant.

Maintenant, voyons de plus près les aspects directement liés à l’apprentissage de la lecture. Ce sont les grands principes que je m’étais donnés et qui ont servi de fil conducteur dans ma pratique pédagogique.

4   Faire lire, lire et encore lire

bear-3112496_1920Vous serez d’accord avec moi si je vous dis que la meilleure façon d’apprendre une langue étrangère est de se plonger dans un véritable bain linguistique : regarder des films en VO, faire un séjour dans le pays concerné, et dialoguer au maximum avec les autochtones.

Pour la lecture, c’est la même chose. Quand on mène un CP, il faut veiller à multiplier les occasions de faire lire et relire les élèves, quelle que soit la matière abordée. Si je faisais du vocabulaire, j’écrivais les mots étudiés au tableau et dès le début de l’année, ces mots étaient relus en fin de séance (à l’endroit, à l’envers, dans le désordre, afin d’en faciliter la mémorisation). Si on étudiait la langue, les phrases, mots ou groupes de mots étaient lus avant toute manipulation, et relus après.

Je veillais aussi à ce que chacun ait participé dans les mêmes proportions. (Avec un peu de pratique, on trouve facilement des « trucs » pour n’oublier personne). Je m’étais donné pour principe que toute séance devait mener à un minimum de lecture, ne serait-ce que quelques mots qui restaient affichés deux ou trois jours au tableau. Mais surtout, je le répète, ces mots étaient lus et encore relus.

C’est une pratique qui peut paraître monotone pour l’enseignant, mais qui porte ses fruits pour l’apprenti lecteur. Car plus il lit de mots, plus vite il étend son lexique orthographique ( Voir l’article qui en donne la définition) et plus vite il sera apte à faire des comparaisons et des associations qui faciliteront son décodage.

Faites le bilan en fin de journée en regardant votre tableau. s’il est couvert de mots et/ou de phrases, vous pouvez vous dire que vous avez bien nourri vos élèves.

Mais pour arriver à ce résultat, il faut d’abord être en accord avec le point suivant :

5   Mettre du sens dans toute activité de lecture

Concrètement, ça veut dire que je ne demandais jamais à un élève de lire ou d’écrire quoi que ce soit qui n’ait pas de sens, ou qui n’existe pas réellement dans la langue. Par exemple des pseudo-mots ou des syllabes isolées. J’entends d’ici d’énooormes protestations. J’aborde cette question dans l’article dédié aux séances de phonologie, je ne vais donc pas m’étendre sur le sujet. En tout cas, ce précepte est important car il va induire la pédagogie mise en place. S’il vous paraît cohérent et que vous avez envie d’y adhérer, le point suivant complétera celui-ci.

6   Respecter la réalité de la langue

Autrement dit, ne pas chercher à simplifier les choses artificiellement. Compliqué ne signifie pas forcément difficile. Je n’ai jamais pu concevoir de berner les élèves en leur faisant croire qu’il suffisait d’assembler des sons pour savoir lire. Parce que ce n’est pas aussi simple : il y a les lettres muettes, les lettres doubles, les anglicismes, les e devant une consonne double, les marques de pluriel plus barbares les unes que les autres, et j’en passe et des meilleures.

Si on ne jette pas un apprenti nageur dans le grand bain dès la deuxième séance, on n’attend pas non plus qu’il devienne champion de natation pour lui apprendre à se méfier des remous de la rivière. Donc, plutôt que de masquer artificiellement les difficultés de la langue française, on les explique quand on les croise, sans s’y éterniser mais en rassurant les élèves et surtout, en faisant confiance à leur intelligence. (Déjà évoqué non?)

Pour conclure, le dernier précepte et non des moindres :

7   Le but ultime du CP est-il vraiment d’apprendre à lire ?

Bon d’accord, je provoque.

Mais pas seulement. Si vous saviez le nombre d’élèves en difficultés que je vois arriver en remédiation au début du CE1 ! Ils ont tous (ou presque) ceci en commun qu’ils n’aiment pas lire, simplement (mais c’est un gros simplement) parce qu’ils n’en ont pas saisi le sens, ni l’intérêt. Il est donc essentiel de ne pas oublier la dimension culturelle de la lecture. Pour ça, l’enseignant veillera à multiplier les supports et les types d’écrits pour travailler leurs fonctions : documentaire, informative, narrative…

Bon, je ne sais pas si vous vous sentez plus zen à l’issue de cet article mais j’espère au moins que vous avez une idée plus claire quant-à vos choix pédagogiques.

Faites m’en part. Racontez-moi vos doutes, vos peurs. Échanger est souvent le meilleur moyen de clarifier les choses et d’avancer.

 

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