Comment faire pour travailler les relations grapho-phonétiques au CP sans avoir recours aux fastidieuses listes de syllabes, isolées de tout contexte sémantique ? C’est pourtant possible et facile à mener. Vous trouverez ici des pistes à exploiter qui pourraient faire avancer vos élèves plus vite que vous ne pensez.
Ma ligne de conduite pour l’apprentissage de la lecture a toujours été de mettre du sens dans l’activité abordée. Même quand il s’agissait d’étudier les sons. C’est la raison pour laquelle je me suis toujours refusée d’écrire, de faire lire ou écrire des syllabes isolées. Parce qu’une syllabe n’a de sens qu’à l’intérieur d’un mot.
Et comme vous allez le voir, ce n’est pas si compliqué qu’il y paraît.
La phonologie au début du CP
Au début de l’année, le démarrage d’une séance est essentiellement auditif. On part d’une comptine avec un maximum de mots contenant le son à étudier. Beaucoup de manuels en proposent et je suis certaine qu’on en trouve pléthore sur le net.
Voici le déroulement d’une séance telles que je les pratiquais.
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Après lecture de la comptine, on demande aux élèves quel son revient le plus souvent. On écrit alors au tableau la transcription en phonétique du son, puis la lettre produisant ce son.
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On fait l’inventaire des mots entendus contenant le phonème. Pour chaque mot répertorié, il sera demandé combien de syllabes il contient et dans laquelle on entend le son étudié. L’élève sollicité nommera explicitement la syllabe. Ceci est important car souvent, les enfants savent bien repérer à quel endroit on entend le phonème mais ils ont du mal à extraire la syllabe concernée.
Exemple : dans tartine, le son [i] est dans la deuxième syllabe, et c’est la syllabe ti.
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Sur une autre partie du tableau, une grille horizontale est dessinée, comportant le même nombre de cases que de syllabes énoncées. L’enfant désigné vient coller un jeton (ou un aimant) dans la case où se trouve le phonème.
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Le mot est ensuite écrit au tableau. Peu importe que les enfants ne sachent pas le lire. Il s’agit là d’un travail d’imprégnation qui va les mener petit à petit à identifier eux-mêmes les syllabes, même s’ils ne connaissent pas tous les sons. Dans un premier temps, l’enseignant segmente lui-même le mot en énonçant bien chaque syllabe.
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Enfin, un autre élève vient faire une croix sous la lettre du son étudié.
La séance est évidemment suivie d’un travail écrit sur fichier. Dans la même journée, une fiche de mots connus sera lue par l’ensemble de la classe. Cette liste est forcément attachée à la méthode utilisée. Ça demande un peu de travail pour la constituer la première année mais l’outil est réutilisable par la suite à quelques modifications près. Je vous propose les miennes dans un autre article ( Cliquez ici ).
Au fil des semaines, quelques changements dans le déroulement apporteront une évolution graduelle du savoir-faire des élèves.
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Assez vite, ils demanderont à venir eux-mêmes segmenter les mots au tableau, parce qu’ils auront compris le principe de façon intuitive. Plus leur connaissance des graphèmes s’étendra, plus la pratique leur sera aisée.
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Dès que les mots connus sont assez nombreux, ils sont classés sur la fiche de synthèse par syllabe. Au début de l’année, j’intégrais les prénoms des élèves sur cette fiche. Parfois, je pouvais organiser un premier classement dès la deuxième étude de son, comme sur cette fiche : [i]
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A partir de la 5e ou 6e séance, je n’indiquais plus au tableau la graphie du phonème étudié, sous sa transcription phonétique . À charge pour les élèves de la trouver en allant pointer la ou les lettres dans la syllabe du mot répertorié. Cela leur permettait :
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de mieux comprendre l’agencement des phonèmes à l’intérieur d’une syllabe. Par exemple « par » est constituée des phonèmes [p], [a] et [r], dans cet ordre précis.
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Ceci est important quand on aborde les graphèmes complexes, comme ch. Dans le mot chocolat, la première syllabe est cho : [H] et [o]. [o] s’écrit o, il reste donc ch pour faire [H] . Autre exemple dans château : la syllabe teau est formée de 2 phonèmes : [t] et [o]. [t] s’écrit t, [o] s’écrit donc eau.
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Très tôt, des mots inconnus sont introduits sur la fiche de synthèse, constitués essentiellement de syllabes déjà étudiées.
Étude de la phonologie au milieu de l’année
Vers le mois de janvier, la méthode change : l’introduction n’est plus auditive mais visuelle.
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Un mot connu est écrit au tableau. Un élève le lit puis une syllabe du mot est entourée qu’il doit lire aussi. Une quinzaine de mots est ainsi alignée. Un élève est ensuite désigné pour relire uniquement les syllabes entourées. Évidemment, elles contiennent toutes le même son, que la classe doit identifier. On reprend ensuite chaque syllabe et on cherche la ou les graphie(s) du phonème.
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Ensuite, des mots inconnus mais déchiffrables sont écrits au tableau. On les lit, on les segmente en syllabes et on repère le graphème étudié.
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La suite est toujours la même : fiche d’exercice écrit et lecture de la fiche de synthèse.
Quels sont les avantages de cette méthode pour l’étude des sons ?
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D’abord, comme je l’ai indiqué en préalable, les syllabes répertoriées ne sont jamais décontextualisées, elles restent toujours à l’intérieur de l’unité sémantique que représente le mot.
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Les élèves sont habitués à appréhender le mot d’abord dans sa globalité, avant de chercher à le découper en syllabes. Cette façon de faire favorise l’acquisition d’un lexique orthographique plus large, tout en mettant l’accent sur la phonologie.
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Le classement des mots par syllabe sur la fiche de synthèse permet une meilleure intégration par la répétition, favorise le repérage de la syllabe quelle que soit sa place dans le mot et présente l’avantage d’un apprentissage supplémentaire plus informel. Je m’explique : imaginons que nous abordions le son [m]. Quand je répertorie les mots connus contenant ce graphème, une possibilité de liste apparaît avec par exemple mouton, mouche et moulin. Or, le son [u] n’a pas encore été étudié. Je vais alors m’appuyer sur la connaissance de ces mots pour mettre quand-même la syllabe mou en exergue. Ainsi, l’élève se familiarise avec un graphème sans qu’on lui demande explicitement de le connaître. c’est la même chose pour les syllabes complexes du type mar ou dre. Quand on aborde [d], si on connaît déjà vendredi, poudre et cadre, la syllabe dre sera intégrée sur la fiche de synthèse, alors que l’objectif n’était pas de travailler les syllabes à deux consonnes consécutives.
Il s’agit là d’apprentissages implicites et transversaux qui gardent une forte cohérence et autorisent à prendre son temps. En effet, durant les deux premiers trimestres je ne voyais qu’un seul son par semaine. Le rythme pouvait sembler lent. Mais quand je passais à l’étude de deux sons par semaine au troisième trimestre, l’intégration se faisait beaucoup plus vite car peu de graphèmes étaient vraiment nouveaux pour les élèves.
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Enfin, les élèves se familiarisent dès le début avec la complexité de la langue qu’ils apprivoisent petit à petit, sans pression. Ils apprennent vite qu’il faut couper une syllabe au milieu d’une consonne double, qu’une lettre qui ne « s’entend » pas est soit muette, soit « mariée » à une autre pour former un nouveau son. Bref, ils jonglent plus facilement avec d’étranges particularités tout en naviguant dans la vraie réalité de ce que sont les mots.
N’hésitez pas à envoyer vos commentaires, les avis sont tous bons à prendre.
Merci beaucoup pour cette page très intéressante. Merci pour le partage.
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