Cette méthode a l’avantage de mettre tout de suite en évidence l’aspect positionnel de notre numération, même si l’élève ne sait pas encore lire les grands nombres. C’est même un avantage car ce n’est pas ce qui lui est demandé.
En effet, l’objectif est de faire comprendre à l’élève que la position des chiffres dans le nombre est primordiale. On va donc s’arranger pour pouvoir faire des groupements de deuxième et troisième ordre assez rapidement. C’est pourquoi on abordera l’écriture des nombres au pays des quatre (voir article précédent), dès que les élèves auront compris et bien assimilé les règles des groupements et des échanges.
On peut le faire de deux façons : l’une laisse le temps aux élèves d’arriver petit à petit à une écriture positionnelle qu’ils auront peaufinée eux-mêmes. La deuxième est plus rapide mais impose les conventions « de l’extérieur », ce qui sera plus difficilement assimilable pour certains élèves. On peut aussi utiliser les deux en alternance. Nous y reviendrons ci-dessous.
Amener l’élève à la nécessité d’écrire les nombres
1 Les élèves cherchent eux-mêmes comment transcrire une valeur
La veille ou il y a deux jours, vous avez fait jouer vos élèves par équipe au jeu du banquier, et vous voulez savoir lequel des gagnants de chaque groupe est le vainqueur de la classe. Ou bien vous proposez de continuer une partie commencée la semaine précédente. Les élèves vont devoir se souvenir de leurs scores. Il arrivera sans doute que des désaccords surviennent ou que certains ne sachent plus ce qu’ils avaient gagné. C’est le moment de leur demander comment on aurait pu faire pour s’en souvenir. L’objectif est bien-sûr de les amener à proposer de l’écrire. Dès que l’idée a émergé, une série de billets est affichée au tableau.
Puis une feuille et un crayon sont distribués pour deux (ou par petits groupes) avec la consigne de trouver une écriture qui représentera la valeur des billets. « Il faut que ce soit très court et très rapide ». Évidemment, on n’a pas droit aux crayons de couleur.
Après la phase de recherche, on confronte toutes les propositions et on se met d’accord pour ne garder que la plus pratique.
En général, on obtient en majorité la solution suivante :
Il est ensuite facile de faire remarquer que grouper les lettres par couleur facilitera la lecture. Plus tard, les élèves auront tendance à ordonner d’eux-mêmes les couleurs par valeur, c’est-à-dire qu’ils commenceront par les bleus car ce sont eux qu’on regarde en premier pour savoir qui gagne. Petit à petit, on enlèvera les rectangles : on n’en a pas « vraiment » besoin car ce sont les lettres qui importent. On aboutit donc dans un deuxième temps à : BBB R JJ. La phase suivante sera d’arriver à 3B 1R 2J. Et enfin à 312 puisque d’un commun accord on commence toujours par le plus grand.
C’est à ce moment que sera introduit le zéro. En effet, les élèves ne vont pas tarder à être confrontés à une difficulté : comment s’y prendre pour distinguer 3B 2J de 3B 2R puisqu’ils écrivent 32 dans les deux cas ? Plusieurs possibilités s’offrent pour amener la nécessité du zéro, comme par exemple celle-ci :
en séance collective, on montre une collection de billets et on demande aux élèves d’écrire leur valeur totale sur l’ardoise. Le nombre sera recopié au tableau, puis on passe à une autre collection de billets et ainsi de suite. A chaque fois, les nombres seront écrits au tableau les uns sous les autres. On fera remarquer au bout de 4 ou 5 exemples, que les bleus sont sous les bleus, les rouges sous les rouges et de même pour les jaunes. On montre ensuite 3 rouges et 1 jaune, et un élève est chargé d’aller écrire le nombre au tableau en respectant la place de chaque couleur. De même avec par exemple 1 bleu et 3 jaunes. Pourquoi y a-t-il un trou entre le 1 et le 3 ? Parce qu’il n’y a pas de rouge bien-sûr ! Mais comment peut-on l’indiquer qu’il n’y a aucun rouge ?
Et voilà notre zéro qui arrive en vainqueur !
A l’issue de cette séance, il sera important de faire la synthèse suivante :
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S’il y a trois chiffres, c’est qu’il y a des bleus.
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S’il n’y a que deux chiffres, on n’a pas plus grand que des rouges.
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Un seul chiffre signifie que ce sont des jaunes.
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Donc : quoi qu’il arrive, les jaunes sont toujours en dernier. (On aura pris soin par exemple de faire écrire 100 ou 210 ou 30).
2 Vérifier que le processus est vraiment compris
Comme d’habitude, la meilleure vérification consiste à proposer l’activité inverse c’est-à-dire qu’on donne un nombre aux élèves qui doivent constituer la collection de billets correspondante.
3 Prolongements
Par la suite, des jeux seront proposés en ateliers qui auront des objectifs différents :
- Des jeux de loto pour faire correspondre nombres et billets. Voir ci-dessous.
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Des cartes-nombres en base quatre et base cinq pour jouer à la bataille, c’est-à-dire comparer les nombres. Voir ci-dessous.
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Un jeu de loto « positionnel » pour aider les élèves à repérer la valeur des chiffres dans le nombre. Attention, ce jeu a été élaboré en base sept !
Utiliser le tableau des nombres
Je parle ici du tableau élaboré par Michelle BACQUET et Bernadette GUERITTE-HESS ( voir article précédent ). Cette fois, la règle d’écriture des nombres va se mettre en place au fil de la séance. Cette option est particulièrement intéressante en ce qu’elle va permettre de construire la suite des nombres au pays des quatre. C’est pourquoi elle peut intervenir après les séances précédentes si on met en avant cet objectif.
1 Construction de la file numérique au pays des quatre
On va donc prendre un tableau similaire à celui qui sert au décompte des jours de classe, et utiliser les billes chinoises. L’enseignant pose une bille dans la colonne de droite et demande à un élève de venir placer le chiffre qui correspond en dessous. Un secrétaire est désigné pour écrire ce nombre au tableau. Une deuxième bille est ajoutée, on change le chiffre en dessous et le secrétaire l’écrit à côté du premier, et ainsi de suite. Dès qu’on arrive à 4 billes, les élèves doivent avoir le réflexe de les mettre dans un petit gobelet, qui sera placé dans la deuxième colonne. On obtient donc le nombre 10 qui signifie : 1 petit gobelet et 0 billes toutes seules. Bien insister sur le fait que ce nombre ne se dit pas dix mais un zéro car on est au pays des quatre : dix n’existe pas dans ce pays. Au fil de la construction de la suite numérique, on peut demander aux élèves d’anticiper le nombre suivant en l’écrivant sur l’ardoise. On vérifie ensuite par la manipulation. Le contenu d’un gobelet moyen s’écrira 100 et ainsi de suite. Les élèves qui seront capables d’anticiper 5 nombres d’affilée vous montreront qu’ils ont vraiment compris la règle.
2 Vérifier que le processus est vraiment compris
Plusieurs activités peuvent être proposées :
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Trouver le nombre qui manque dans une suite de 3 nombres : 311 – ? -313
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Donner un nombre pour deux. Le binôme doit constituer la collection de billes correspondante (ou autre chose, l’essentiel étant de conserver la règle des groupements). La vérification se fera collectivement et au besoin, on aura recours au tableau s’il y a litige.
Prolongements
Ainsi, on va voyager de pays en pays à travers les différents jeux proposés jusqu’à arriver au pays des dix qui est celui qu’on utilise pour écrire les nombres. Quand vous aborderez la dizaine, les élèves seront déjà habitués aux groupements, aux échanges, et à la valeur positionnelle des chiffres dans le nombre. La seule différence pour eux sera que dorénavant, on nomme les nombres. Mais 12 aura maintenant du sens et sera moins confondu avec 21.
D’autre part, le jeu du banquier en base dix est particulièrement intéressant pour faire compter les élèves de 10 en 10 : pour trouver la valeur de cette collection, par exemple :
l’élève comptera de cette façon : 10, 20, 30, 40, 41, 42, 43…
Ensuite, quand vous demanderez aux élèves d’ajouter 10 à un nombre, il leur suffira de se rappeler qu’ajouter 10 signifie ajouter un billet rouge. Ce rappel au jeu du banquier est pratique et surtout bien plus parlant que le mot dizaine qui reste trop abstrait. Ce qui n’empêche pas de l’introduire au cours de l’année mais en cas de difficulté, on pourra toujours faire référence aux billets.
Trop bien ton travail : tu ferais une bonne conseillère pédagogique. Le jeu en base 4 est une très bonne idée !
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Merci. Et c’est surtout facile à mettre en place. Ces activités peuvent être pratiquées en maternelle, ce serait même l’idéal pour préparer les élèves en douceur au futur travail sur les dizaines.
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