QUELLE MÉTHODE DE LECTURE POUR ENSEIGNER AU CP

books-2241631_1920L’identité pédagogique d’un enseignant ne se bâtit pas en un jour. On tâtonne, on fait des erreurs, on réajuste et on améliore sans arrêt. Mais aborder le CP demande en plus une réflexion préalable car on est confronté à l’inévitable question : quelle méthode choisir pour l’apprentissage de la lecture ?

Si vous êtes dans ce cas, l’article qui suit pourrait vous aider à vous positionner.

Pour bien choisir sa méthode de lecture, il convient d’être au fait des différentes procédures impliquées dans l’apprentissage. c’est ce que je vous invite à découvrir ici.

Petit rappel de l’historique à travers mon parcours personnel

L’envie d’enseigner au CP est arrivée tard dans ma carrière. C’est dire si j’ai vu passer nombre de courants pédagogiques. Quand j’étais en formation (du temps des dinosaures de l’École Normale), on ne voulait plus entendre parler de la combinatoire. Au feu les « Daniel et Valérie » et autres « méthode Boscher » ! Les regards étaient plutôt tournés vers la « pédagogie moderne » (Foucambert, Évelyne Charmeux…), mouvement qui appelait à refuser tout travail sur les correspondances grapho-phonétiques au CP. Le concept de base était le suivant : la lecture se résume à la compréhension et doit être acquise par observation, analyse et comparaison de structures lexicales et syntaxiques.

daniel et valérieméthode boscher

Jeune élève institutrice, j’ai fait un long stage en observation dans la classe d’une IMF (PEMF aujourd’hui) adhérant à ce mouvement. Elle ne jurait que par Évelyne Charmeux. J’ai assisté à quelques séances de découverte de texte qui ont marqué à jamais mon orientation pédagogique. Il était beaucoup question de prises d’indice, d’hypothèses axées sur le sens et d’anticipation :

— J’ai trouvé ce mot-là (manteau) parce que j’ai reconnu le man de maman et la fin de château.

— Je sais que c’est flocon le mot, parce que ça commence par un f, ça finit par on et dans l’histoire, ça parle de neige.

— Ça c’est chocolat : juste avant il y a gâteau au… et le mot i commence par « ch ».

Belle illustration d’un vrai travail de recherche s’appuyant sur la sémantique autant que sur les éléments phonologiques. Et quel plaisir de voir des élèves actifs, curieux et sachant expliciter leur cheminement !

Passionnant, d’accord, mais comment fait-on pour structurer des connaissances acquises un peu anarchiquement, si on ne passe pas par la combinatoire ?

— On fait des listes, me répondait l’enseignante.

Effectivement, les murs étaient couverts de listes de mots commençant par la même lettre ou contenant une syllabe commune (manteau, manche, maman, dimanche…).

Par la suite, la méthode a montré ses limites, peut-être parce que mal comprise ou mal assimilée. On a vu apparaître une nouvelle catégorie d’élèves, appelés aujourd’hui les devineurs. Ils ne fonctionnent que sur de vagues intuitions sans jamais se référer aux repères syntaxiques ou grapho-phonétiques. Donc sans vérification.

Alors inévitablement, la méthode a été vouée aux gémonies et on a tenté des solutions médianes, mélangeant un peu de lecture globale avec beaucoup de combinatoire. Petit à petit, un glissement s’est opéré et on assiste aujourd’hui au grand retour de la méthode syllabique.

Bien au chaud dans mon CE1, je n’avais qu’une conscience lointaine de ce revirement. Je me suis rendu compte de l’ampleur du phénomène au moment de préparer mon futur CP. Les spécimens de manuels que je feuilletais étaient parlants. Seuls quelques-uns résistaient à la vague ambiante, dont celui que j’ai utilisé par la suite.  voir l’article « Chut je lis »

Que faut-il penser des différents courants pédagogiques concernant l’apprentissage de la lecture ?

Intuitivement, j’ai toujours pensé que toutes avaient tort et raison en même temps. Non non je ne suis pas Normande, (pardon pour les Normands). Disons plutôt que les arguments sur lesquels s’appuie chaque mouvement sont justes mais incomplets.

  • Le courant idéovisuel (Foucambert) avait ceci de révolutionnaire qu’il intégrait la compréhension dans le processus d’apprentissage. Mais de là à rejeter complètement le décodage et les procédures graphophonétiques, c’était oublier un peu vite que l’ossature du français écrit est d’abord phonique. En effet, 80 % des éléments de la chaîne écrite sont des phonogrammes.

  • Le courant phonocentriste axe l’essentiel de l’apprentissage sur le déchiffrage en considérant que la compréhension arrivera (comme par magie) avec la connaissance du code. Cela revient à faire croire à l’enfant que le sens lui est acquis à partir du moment où il déchiffre correctement. On sait pourtant aujourd’hui que cette conception est un peu simpliste et a engendré des générations de bons déchiffreurs n’accédant pas à la compréhension.

J’ai donc choisi une méthode faisant la part belle à la compréhension tout en proposant un travail sérieux sur le code qui ne se réduise pas au seul déchiffrage de syllabes.

Quand je me suis engagée dans la spécialisation, j’ai dû rédiger un mémoire professionnel. J’ai choisi une problématique autour de l’impact du jeu dans la compréhension de lecture. Cette fois, plus question d’argumenter sur la seule foi de mes intuitions ou de lointaines lectures. Il me fallait de vrais appuis théoriques.

Et là, ô miracle, ce que j’ai trouvé dans les ouvrages de Gérard Chauveau (dont « Comment l’enfant devient lecteur ») m’a remplie de joie.

Comment dépasser les vieux clivages

L’auteur s’est appuyé sur la recherche psycho-cognitive pour définir les trois dimensions essentielles de la lecture.

  • La dimension instrumentale qui comprend les capacités de décodage, la reconnaissance des mots par voie directe, et la capacité à explorer un écrit, c’est-à-dire à questionner son contenu et son organisation : activité de balayage du texte, utilisation de la ponctuation, recours au contexte linguistique, repérage d’éléments sémantiques, formulation d’hypothèses, anticipation, production d’inférences.

  • La dimension stratégique qui permet la compréhension. C’est l’interaction permanente entre les différentes actions instrumentales qui seule peut assurer une bonne compréhension. Autrement dit, il faut être un décodeur « intelligent » (Le décodage doit contribuer à la compréhension du texte) et réciproquement, être un chercheur de sens bon en déchiffrage.

  • La dimension culturelle impose d’adapter sa conduite en fonction du contenu, de la tâche et de ses intentions de lecteur. Cela suppose une bonne connaissance des supports écrits, de leurs formes, leurs fonctions, et d’avoir assimilé les buts et les pratiques de la lecture.

La controverse continue pourtant

On aurait pu penser que les résultats de la recherche psycho-cognitive éteindraient à jamais les anciennes querelles. Alors pourquoi ce retour acharné de la combinatoire à tout va ? J’y vois plusieurs explications qui vont du défaut de formation initiale et de formation continue (oh oui!) à l’avènement des neurosciences.

Mais ceci est un autre débat, pour un autre jour.

J’aimerais avoir vos témoignages et avis sur la question. Quelle méthode utilisez-vous ? Vous y sentez-vous à l’aise ? Une méthode peut-elle convenir à tout type d’élèves ?

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3 réflexions sur “QUELLE MÉTHODE DE LECTURE POUR ENSEIGNER AU CP

  1. Bonjour, j’ai découvert votre blog par hasard, et cet article ouvrant le débat sur le bon choix de la méthode de lecture à utiliser en classe est une excellente idée et cependant…….je suis la première à déposer un commentaire et en suis désolée, pour l’intérêt du sujet. Je n’ai eu le temps de parcourir votre article et blog en diagonale seulement( retraitée certes, mais pas inoccupée cependant en ce qui me concerne). Mon premier avis cependant: il n’existe aucune méthode bonne si on n’utilise uniquement une seule méthode d’enseignement de la lecture …..voilà, à bientôt j’espère, sur votre blog ou le mien.

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    • Bonjour Rosalia,
      Merci pour votre commentaire. Cependant je n’en comprends pas bien la teneur : au bout du compte, vous semblez être d’accord avec moi en disant qu’on ne doit pas utiliser une seule méthode d’enseignement de la lecture. C’est bien ce que j’explique tout au long de mes articles, à savoir que l’apprentissage de la lecture ne saurait se réduire au seul déchiffrage.
      Je vous invite donc à les lire plus avant et serais heureuse d’en débattre avec vous.

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      • Bonjour, oui effectivement je suis tout à fait d’accord avec vous. Effectivement, une seule méthode d’enseignement de la lecture ce n’est pas la bonne solution à mon avis aussi; j’ai pu le constater de part mon expérience professionnelle en classes maternelles et primaires et surtout dans les classes d’éducation spécialisée où j’ai aussi enseigné. Je serai très heureuse d ‘en débattre avec vous , et vous remercie moi aussi pour votre commentaire sur mon blog qui a enrichi celui-ci. Veuillez m’excuser pour mon orthographe un peu hasardeux ( ! ) la faute à ma formation de base scientifique ( pour en savoir d’avantage, cliquez sur mon « gravatar » tout simplement ). Excellente journée à vous, Cérianthe ?

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